Selon certaines analystes, le mouvement des femmes, leurs voix et leurs priorités ont été largement déplacées par les agences internationales en Haïti, à la suite du séisme qui a frappé le pays en janvier 2010. Cette critique s’insère dans des analyses postcoloniales plus larges, de la marginalisation ou l’instrumentalisation des forces vives du Sud par des agences internationales, notamment dans les États qui se trouvent dans des situations fragiles ou en conflit. Sans minimiser la pertinence de ces critiques, la recherche menée entre 2017 et 2019 vise à comprendre la manière dont certains réseaux féministes résistent à ces dynamiques et influencent l’adoption de politiques publiques alternatives, particulièrement en Haïti. A été mobilisé un cadre théorique féministe institutionnaliste pour expliquer comment la militance du mouvement des femmes haïtiennes, l’intérêt de certains acteurs institutionnels et l’accompagnement de quelques agences internationales ont mené à l’adoption de la Politique d’égalité femmes hommes en 2014. Ce cadre théorique permet aussi d’expliquer la faible mise en oeuvre de cette politique et d’en tirer des leçons stratégiques, notamment par rapport à l’importance de l’agentivité hétérogène dans un contexte de résistances patriarcales et de crises récurrentes.
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