Contexte. En Haïti, entre 2007 et 2013, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a financé le Multi-Year Assistance program (MYAP) avec pour objectif principal la réduction de l’insécurité alimentaire dans les communautés les plus vulnérables. L’autonomisation économique des femmes constituait l’un des piliers du MYAP. En effet, les études ont montré qu’une croissance des revenus des femmes avait des retombées positives sur la nutrition et sur la santé du ménage. De façon générale, la participation économique des femmes est considérée comme un facteur indispensable au développement durable. Le Catholic Relief Services (CRS) implantait le MYAP dans les zones rurales du sud d’Haïti. Le CRS, étant une entité de l’Église catholique, avait mis l’équité, un principe phare qui guide sa mission et sa vision, au cœur des stratégies de mise en œuvre du MYAP. Cependant, des évaluations menées durant l’implantation et à la fin du MYAP ont suggéré que les femmes les plus défavorisées des communautés rurales étaient restées en marge des interventions. Méthodologie. Pour identifier les obstacles à l’équité durant le MYAP et explorer les meilleures stratégies qui favoriseraient l’implantation d’interventions dont l’accès est équitable, la démarche adoptée a été une étude de cas. Deux sites (2) ont été sélectionnés sur la côte sud d’Haïti, Nan kanpech et les Anglais. Nous avons utilisé une combinaison de méthodes de collecte de données, dont une analyse documentaire, 13 entrevues individuelles et trois (3) groupes de discussions avec différentes parties prenantes du MYAP. Résultats. Le lieu de résidence, la culture, l’occupation, la religion, la scolarité, le statut socio-économique, le capital social et la présence d’un handicap physique ou mental sont parmis les facteurs qui ont entravé la participation des femmes les plus vulnérables aux interventions. L’étude a identifié plusieurs obstacles catégorisés en quatre (4) dimensions interconnectés qui ont compromis l’application des principes d’équité par le CRS : 1. barrières opérationnelles : manque de données sur la pauvreté, focalisation sur l’efficacité et l’efficience au préjudice de l’équité; 2. barrières organisationnelles : manque d’autonomie et manque de redevabilité du CRS à l’égard des bénéficiaires; 3. barrières communautaires : vision divergente des acteurs sur l’équité, laxisme des parties prenantes pour exiger la reddition de comptes; difficultés pour les femmes les plus vulnérables de s’organiser alors que les plus aisées dominaient l’arène; 4. barrière systémique : la corruption. Discussion. L’application des principes d’équité verticale et horizontale est nécessaire pour parvenir à une participation équitable des femmes dans les interventions d’autonomisation économique. Les implications pour les décideurs et les meilleures pratiques pour concevoir des interventions équitables incluent : le renforcement des institutions statistiques nationales pour collecter et rendre disponible des données fiables et actualisées sur la pauvreté, la participation active des cibles dans l’identification des besoins, l’équilibre entre les objectifs d’efficacité, d’efficience et d’équité dans la mise en œuvre des interventions, une modification des procédures qui lient le CRS aux donateurs, la priorisation des interventions à long terme, le développement des outils de suivis et d’évaluation pour surveiller l’équité, le renforcement du leadership des femmes et de la cohésion communautaire et finalement, la consolidation de la politique nationale de lutte contre la corruption. Conclusion. Notre recherche est la première à notre connaissance à s’intéresser aux facteurs qui influencent l’application des principes d’équité dans une intervention implantée par une ONG en Haïti. Les résultats mettent en évidence la nécessité d’une synergie d’action entre tous les acteurs pour évincer les obstacles à l’équité qui sont complexes.
Tous droits réservés. Republié avec l'autorisation du·de la détenteur·rice du droit d'auteur, Marie Merline Maurice.