Le diagnostic du système d'enregistrement à l'Etat Civil nous a permis de mettre en exergue les éléments qui empêchent les bureaux de l'Etat Civil (BECI) de fonctionner comme un Service public du Ministère de la Justice tant pour des raisons structurelles que sociologiques. Il va sans dire que les conséquences d'un tel disfonctionnement ont des répercutions énormes sur la population haïtienne. Nous savons en effet que 30 à 40 % des adultes détenteurs de la CIN se sont présentés avec deux témoins en arguant qu'ils ne possédaient pas d'acte de naissance. Or, l'acte de naissance est le premier document qui permet d'accéder à la personnalité juridique, autrement dit, de pouvoir jouir de ces droits civils et politiques.
Du point de vue structurel, les principaux éléments qui empêchent les BECI de fonctionner comme un service public sont contenus, en creux, dans la loi du 20 août 1974 sur le Service d'Inspection et de Contrôle de l'Etat Civil qui ne prévoit pas de budget national pour le fonctionnement des BECI.
- Le MJSP n'ayant donc pas les moyens d'assumer un tel service, les Officiers de l'Etat Civil (OEC) n'ont pas d'autre choix que de pourvoir eux-mêmes au local, équipements (tables, chaises, armoires o=F9 stocker les doubles des registres depuis leur nomination jusqu'à leur mutation), salaires des secrétaires et petit personnels, factures d'électricité ainsi qu'à l'achat occasionnel de registres vierges, etc.
- Il en découle alors que non seulement les BECI fonctionnent, de fait, comme des « officines privées » sous contrat avec l'Etat (les OEC et certains clercs sont rémunérés par le MJSP) mais qu'ils n'ont pas d'autres choix que de facturer tous les actes de l'Etat Civil à leurs « clients », y compris les actes censés être délivrés gratuitement à savoir les actes de naissance, de reconnaissance volontaire d'un enfant naturel et de décès.
- Cette facturation se fait du reste sans aucun contrôle du Service d'Inspection et de Contrôle du MJSP ou de la DGI, ce qui explique les énormes écarts relevés d'une commune à l'autre dans les grilles tarifaires (de 50 à 1000 gourdes pour un acte de naissance).
- Le critère du coût est évidemment un facteur pertinent expliquant la « démission » des parents dans un pays o=F9 les revenus sont si faibles. A celui-ci s'ajoute néanmoins un autre facteur qui décourage beaucoup de parents à déclarer la naissance de leurs enfants : la difficulté de se repérer dans les administrations publiques de la capitale lorsque les BECI ont élu domicile au sein de la DGI, de l'UEH ou du TPI. Les particuliers deviennent alors vite la proie de racketteurs qui officient au grand jour dans ces administrations sous couvert de jouer les facilitateurs étant donné l'absence de tout accueil dans ces administrations pour orienter le public.