Cette réflexion s’appuie sur deux expériences, issues l’une d’un terrain anthropologique –c’est-à-dire sur une étude monographique, longue et suivie- et l’autre d’une simple révolte de spectateur. Il va donc être question ici de mes recherches dans les camps de réfugiés sahraouis, au Sud-Ouest de l’Algérie ; et de la représentation du tremblement de terre haïtien dans les médias où le séisme fut montré, raconté, et les appels au don mis en scène. Il s’agit donc d’une perception par les « récipiendaires » : d’une part, le réfugié, récipiendaire de l’aide ; et de l’autre, l’auditeur-spectateur, récipiendaire d’informations qui montrent une catastrophe et font appel à sa générosité.
Ainsi, cet article va analyser comment les représentations de l’autre, lors d’un désastre nécessitant l’intervention extérieure, véhicule diverses idéologies : victimaire, business, et politique. Une partie illustrée par les camps de réfugiés sahraouis sera consacrée sur la façon dont la femme est devenue une « bonne victime » selon ces représentations. Cette expression permet de soulever les leviers des représentations collectives du malheur de l’autre. L’ensemble ne suppose toutefois pas qu’il existerait aussi de « mauvaises victimes », mais des victimes plus difficiles à médiatiser et à mettre en scène pour lever des fonds ou même faire porter l’attention sur elles.