Dans cet article sur les cadres sociaux des déplacements de travail des Haïtiennes, notamment dans le contexte des migrations internationales, je soutiens que les migrantes qui travaillent hors d’Haïti pour nourrir leurs familles sont socio-politiquement plus ancrées dans leur pays d’origine que dans leur pays d’installation. Pour soutenir cette hypothèse, je propose deux chefs d’argumentation axés sur le récit de vie de Sula1, jeune migrante haïtienne en France. Je présente d’abord la socialisation qui l’a conduite vers une lente mais sûre formation « d’un soi responsable », axé sur le souci des autres et la responsabilité. Ensuite, je discute de l’organisation de son départ, processus au cours duquel cette migrante se soumet, avec pour conséquence un endettement perpétuel — la dette désignant un rattachement paradoxal qui prend corps dans « l’idéologie du poto mitan » portant les femmes à se sacrifier pour leurs proches. Le cas de Sula est l’un des vingt-cinq récits de vie de femmes que j’ai traités dans une étude sur les mécanismes de production du poto mitan en Haïti. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je ferai une brève présentation de Sula.
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